Dieu est Amour
J’ai passé le dernier dimanche dans une abbaye bénédictine où les textes liturgiques n’étaient pas ceux de l’Épiphanie, mais ceux du deuxième dimanche du temps de Noël. Spécificité appréciable ; il était difficile de trouver meilleur texte pour débuter l’année : le chapitre 4 de la première épître de saint Jean est sans doute l’un plus beaux résumés de la foi chrétienne que l’on puisse trouver dans le Nouveau Testament.
C’est en particulier dans ce passage qu’on trouve la formule “Dieu est Amour” : comme le rappelle François Varillon dans une de ses conférences, l’Amour n’est pas une qualité de Dieu, comme peuvent l’être la toute-puissance, la sagesse ou la perfection. Dieu est essentiellement Amour, on ne le répètera jamais assez. À l’instant même où je dis quelque chose de Dieu en oubliant qu’il est avant tout Amour, je suis dans l’erreur. Certains trouvent “culcul” ou “gnangnan” qu’on ne cesse de répéter que Dieu est Amour. Que Dieu les éclaire.
En prenant l’exemple de la toute-puissance : la théologie traditionnelle a longtemps eu peur de remettre en cause la toute-puissance de Dieu, tant celle-ci nous semble une qualité essentielle de la divinité. On s’en tirait donc, d’une manière plus ou moins satisfaisante, en expliquant que Dieu était tout-puissant mais limitait sa puissance par amour, parce qu’il devait nous laisser libres. Dans cette hypothèse, Dieu voit le mal que fait l’homme, est en mesure (en puissance) d’intervenir, mais n’intervient pas : quand bien même il n’intervient pas par amour, ce Dieu nous paraît monstrueux.
On comprend que par amour, une mère n’intervienne pas lorsque pour la première fois, son enfant approche le doigt d’une bougie : une sensation de forte chaleur, au pire une petite brûlure sans gravité, et l’enfant se tiendra désormais à l’écart du feu. Mais lorsqu’elle voit son enfant jouer seul à côté d’un étang, la mère court vers lui et l’éloigne du danger. Au fil de l’histoire, l’homme s’est rendu coupable d’atrocités auprès desquelles la noyade accidentelle d’un jeune enfant est bien peu de choses (on peut lire à ce sujet Le Concept de Dieu après Auschwitz de Hans Jonas). Dieu n’est jamais intervenu (même la libération des Hébreux du joug des Égyptiens n’est pas à proprement parler une intervention “correctrice”, elle relève d’une toute autre logique : c’est une étape dans la révélation de Dieu à l’homme). Si Dieu n’est pas intervenu alors qu’il le pouvait – quand bien même il aurait limité sa puissance par amour – quelle sorte de liberté nous laisse-t-il ? La liberté de la souris qu’un savant fait courir dans un labyrinthe ? La liberté du condamné qu’on place en “liberté surveillée” ? Est-ce vraiment la liberté de l’amour ?
Il faut en arriver à poser que Dieu ne peut pas intervenir, que sa toute-puissance n’est pas une toute-puissance limitée par l’amour, mais la toute-puissance de l’amour : c’est l’amour qui est premier, et non la toute-puissance. Cela oblige à revoir notre conception de Dieu. Spontanément, nous plaçons Dieu au-dessus de nous, dans un ciel difficilement accessible. Les chrétiens autant, si ce n’est plus que les autres croyants. C’est en quelque sorte un effet pervers de l’Incarnation : Jésus prend en charge tout ce qu’il y a de bon, de doux en Dieu (voyez les invocations traditionnelles “ô bon Jésus”, “ô doux Jésus”), ce qui permet de rendre au Père toute la majesté et toute l’autorité que nous associons spontanément à Dieu. Mais Dieu n’est pas majestueux au sens où nous l’entendons traditionnellement, Dieu n’est pas tout-puissant au sens d’une autorité toute-puissante. Il s’est révélé à nous par son Fils, c’est son Fils qui montre mieux que toute prophétie, révélation ou spéculation intellectuelle, ce qu’est Dieu : sa seule majesté, c’est celle que les Mages adorent, celle de l’Enfant-Jésus, le plus petit, le plus pauvre de tous, sa seule puissance, c’est celle de la Croix, de l’humiliation suprême acceptée par amour.
***
Bien-aimés, aimons-nous les uns les autres, puisque l’amour est de Dieu et que quiconque aime est né de Dieu et connaît Dieu.
Celui qui n’aime pas n’a pas connu Dieu, car Dieu est Amour.
En ceci s’est manifesté l’amour de Dieu pour nous : Dieu a envoyé son Fils unique dans le monde afin que nous vivions par lui.
En ceci consiste l’amour : ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, mais c’est lui qui nous a aimés et qui a envoyé son Fils en victime de propitiation pour nos péchés.
Bien-aimés, si Dieu nous a ainsi aimés, nous devons, nous aussi, nous aimer les uns les autres.
Dieu, personne ne l’a jamais contemplé. Si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous, en nous son amour est accompli.
A ceci nous connaissons que nous demeurons en lui et lui en nous : il nous a donné de son Esprit.
Et nous, nous avons contemplé et nous attestons que le Père a envoyé son Fils comme Sauveur du monde.
Celui qui confesse que Jésus est le Fils de Dieu, Dieu demeure en lui et lui en Dieu.
Et nous, nous avons reconnu l’amour que Dieu a pour nous, et nous y avons cru. Dieu est Amour : celui qui demeure dans l’amour demeure en Dieu et Dieu demeure en lui.
En ceci consiste la perfection de l’amour en nous : que nous ayons pleine assurance au jour du Jugement, car tel est celui-là, tels aussi nous sommes en ce monde.
Il n’y a pas de crainte dans l’amour ; au contraire, le parfait amour bannit la crainte, car la crainte implique un châtiment, et celui qui craint n’est point parvenu à la perfection de l’amour.
Quant à nous, aimons, puisque lui nous a aimés le premier.
Si quelqu’un dit : ” J’aime Dieu ” et qu’il déteste son frère, c’est un menteur : celui qui n’aime pas son frère, qu’il voit, ne saurait aimer le Dieu qu’il ne voit pas.
Oui, voilà le commandement que nous avons reçu de lui : que celui qui aime Dieu aime aussi son frère.
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